Lorsque nous avons annoncé à nos enfants notre décision de partir vivre en Bretagne, leurs réactions ont été variées et intenses.
L’une d’entre eux a tout particulièrement exprimé sa colère, sa douleur de voir « disparaître » leur maison d’enfance, leur base, leur repère.
Voir souffrir mon enfant, et qui plus est, de mon fait, était difficile, et, bien sûr, a déclenché une vague de culpabilité en moi.
Je me sentais coupable de leur faire du mal, de les arracher à leur cocon, de ne penser qu’à ma personne, d’être égoïste en faisant passer mon projet avant leur confort.
L’intensité de ce vécu est devenu si forte que j’en suis même arrivée à imaginer un scénario où je resterais à Lyon dans un appartement en location jusqu’à ce que nos deux dernières soient installées.
Tout tournait autour de ce sentiment et de la façon de le faire cesser, en réparant les dégâts que j’avais causés.
Un jour crucial, notre fille nous a enjoint « Il n’est pas question que vous utilisiez ma colère pour renoncer à votre projet ». Oui, c’est vrai, nous aurions été inconsistants si nous avions pris cette excuse pour faire machine arrière. Nous devions faire face à ces réactions légitimes en restant stables et solides dans notre projet.
C’est à ce moment-là que je me suis aperçue qu’il y avait un ressort caché à mon sentiment de culpabilité.
Tant que je me centrais sur lui, je négligeais ce qui se passait chez ma fille. Je me racontais que me sentir coupable revenait à me préoccuper de sa souffrance, mais non.
Me sentir coupable et le montrer haut et fort, c’était me mettre au milieu et tenter d’attirer la compassion, l’absolution, le pardon. Grâce à ma culpabilité, une part de moi essayait de dérouter la colère de mon enfant et de l’apaiser.
Alors, j’ai décidé de ne plus me sentir coupable de ce que ma fille ressentait, et de m’intéresser entièrement à ce qu’elle vivait, sans me mettre dans la balance.
J’ai essayé de quitter mon monde intérieur et ses réflexes auto centrés, pour entendre pleinement les éclats douloureux et les ressentis pénibles manifestés par l’autre à mon encontre.
Oui, c’était bien nous qui avions pris cette décision qui allait avoir tant de répercussions dans leurs vies. Mais c’était eux qui ressentaient tout cela et la moindre des choses était de les entendre pour ce qu’ils étaient : des personnes entières et sensibles qui avaient des choses à nous faire savoir.
La culpabilité n’était d’aucun secours dans cette situation.
Mais la compassion, si. Ecouter et comprendre leur souffrance, croire en eux et en leur capacité à la traverser, leur souhaiter d’aller mieux au-delà de ce moment, être là.
Et les aimer, inconditionnellement et indéfectiblement tout en maintenant intacte l’estime pour nous-mêmes et pour notre beau projet.