Je suis au téléphone avec une amie artiste. Elle me parle du malaise qu’elle éprouve lorsqu’elle se voit poster certaines de ses oeuvres sur les réseaux sociaux dans l’espoir que des personnes « aiment » son travail. Elle me partage combien elle est gênée d’en être là pour se sentir reconnue.
Je l’écoute et je lui réponds que je trouve cela tellement naturel d’avoir envie d’être reconnue et de faire en sorte de l’être, d’autant plus lorsqu’on a justement manqué de reconnaissance dans notre enfance. Une part de nous n’a pas eu sa dose et réclame, parfois maladroitement, son du.
Je lui exprime ma colère de voir combien elle maltraite sa part enfant qui souhaite simplement être vue, et bien vue. Nous avons tant besoin de tendresse à cet endroit-là, pour ne pas, une fois de plus, être rabroué.
Tandis que je lui parle de tout cela, un petit souvenir du matin émerge, qui me concerne, justement à cet endroit fragile et sensible.
Ce matin, j’ai voulu écrire à ma soeur, qui va venir avec sa famille occuper notre maison dans quelques jours, que j’avais lavé toutes les vitres pour eux. J’étais fière de mon travail, et j’avais envie de le lui dire, pour qu’elle le voie, pour qu’elle reconnaisse ce que j’avais accompli pour leur faire plaisir.
Et puis je me suis réfrénée, en me chuchotant quelques mots qui voulaient dire « tu te prends pour qui ? » « ça ne se fait pas de se montrer comme ça » « sois plus humble ». Bref, toutes ces paroles terribles qui m’ont fait, une fois de plus, replier mes mots et m’abstenir de me montrer.
Alors, tout en parlant à mon amie, je me suis invitée à contempler avec tendresse ma propre part enfantine toute fière d’avoir fait quelque chose de bien pour l’autre et heureuse de pouvoir le lui annoncer pour recevoir des félicitations.
Je me suis dit que si je ne me donne pas d’abord cette reconnaissance à laquelle j’aspire, si je me fais taire et me rejette en m’humiliant ou m’assommant avec une morale d’un autre temps, si je ne m’encourage pas à me montrer dans la lumière, avec fierté et joie, alors personne ne m’offrira cet accueil inconditionnel. Et en tout cas, je ne pourrai certainement pas le reconnaître lorsqu’on me le témoignera.
Je ne fais de mal à personne en montrant ce dont je suis fière et en revendiquant ma réussite, y compris dans les petits recoins de la vie quotidienne. Non, vraiment, je ne blesse personne, et surtout, je laisse enfin la place à celle qui, en moi, la mérite depuis toujours. La place d’exister telle qu’elle est, au grand jour.
En raccrochant le téléphone, j’ai ouvert ma boîte mail, pour écrire à ma soeur que j’avais nettoyé les vitres et que j’en étais ravie.
Tout simplement.