Qu’est-ce-que j’évite grâce à ma culpabilité ?

Me sentir coupable, n’est-ce pas éviter de voir la puissance de l’autre ?

Il y a quelques jours, un gros rhume m’a mise à plat.
J’étais là, dans la cuisine, assise sur ma chaise, avec juste assez d’énergie pour boire mon thé et parler à Olivier.
Et lui, qui allait bien, s’est mis à vider le lave-vaisselle, ou à préparer le repas, je ne sais plus. Ce qui est sûr, c’est que je me suis immédiatement sentie coupable. Coupable d’être assise à ne rien faire pendant qu’il s’activait. Coupable de ne pas lui offrir un temps de repos. Coupable de ne pas faire ce que mon devoir de mère m’appelait à faire. Bref, coupable.

J’avais déjà compris il y a longtemps, combien cette culpabilité cachait d’illusion de toute-puissance.
C’était un jour où j’étais en train de me lamenter que c’était certainement à cause de moi si l’un de mes enfants rencontrait telle difficulté à l’école, et si l’autre traversait un moment douloureux de sa vie. C’était de ma faute, je leur avais transmis mes limites, mes défauts, mes failles. C’était à cause de moi, si ils allaient rencontrer des épreuves ou des échecs.
Et alors que j’étais en train de soliloquer ainsi, Olivier a eu cette répartie : « Ca va les chevilles ? ». Ca m’a stoppée net. Par cette phrase il mettait à jour toute ma grandiloquence, celle par laquelle je m’imaginais capable de tout apporter à mes enfants, d’être la seule à être responsable de leur vie, de leur réussite, et bien sûr et surtout, de leur échec. M’accuser de leur souffrance, c’était au fond me considérer comme capable de leur éviter tout drame et donc comme coupable à chaque fois que cette capacité ferait défaut.

Autant dire que cela m’a calmée… un peu.

Et là, il y a quelques jours, lorsque j’ai exprimé à Olivier mon sentiment de culpabilité de ne pas participer aux tâches avec lui, il m’a répondu qu’il pouvait tout à fait le faire seul.
J’ai soudain compris que oui, bien sûr, il peut, il sait le faire seul. Il n’avait pas besoin de moi à cet endroit là.
J’ai compris qu’il ne me restait qu’à lui faire confiance. Que lui faire confiance serait plus doux pour chacun de nous. Et surtout que ressentir cette culpabilité m’évitait de voir, de sentir combien l’autre peut être puissant, y compris sans moi. Combien l’autre peut réussir, faire sa vie, expérimenter… sans qu’il soit nécessaire que j’intervienne.
Et même, je peux, comme c’était le cas à ce moment-là, profiter de cette puissance, prendre appui dessus, lui faire confiance.

J’ai trouvé cela bon. Un nouveau goût pour ma vie. Un goût de laisser faire, une saveur de lâcher prise.