Dire merci, c’est ouvrir un espace de reconnaissance et d’estime
Ce matin, en ramassant mon linge à laver dans ma chambre, j’ai aussi pris celui d’Olivier.
Il m’arrive de le faire, et d’autres fois non, agacée par un « quand même, il pourrait le faire… ». Puéril certes, mais j’ai parfois du mal à passer au-dessus de ce mouvement rageur qui, je le sais, s’ancre dans ma part Seule-au-monde-sans-personne-sur-qui-compter. Ce mouvement rageur qui a les pieds pris dans le désespoir de l’abandon.
Bref, ce matin, j’ai aussi pris le linge d’Olivier pour le mettre au sale.
Je me suis alors dit que ça serait super s’il le remarquait et qu’il me remerciait pour ce geste.
« Oh !, a rétorqué en moi-même mon procureur-confesseur-inquisiteur, ça n’est pas charitable de faire un acte dévoué et d’en attendre un remerciement ! Tu devrais pouvoir faire tout cela et ne rien en attendre, comme ces personnes qui donnent en silence et sans qu’on le sache. Tu es bien orgueilleuse… » Bref, toutes ces choses sympas que l’on se réserve pour notre consommation personnelle et que l’on n’oserait jamais dire à personne d’autre.
Bon quand même, en arrivant dans la cuisine, je m’assois à la table du petit déjeuner, et je choisis de le lui dire.
Parfois, ça me fait ça : j’ai une phrase dans la tête, et je sais que les minutes qui vont suivre ne seront pas les mêmes selon que je vais dire cette phrase ou pas. C’est un sentiment de puissance et de responsabilité incroyable : si je le dis, il va se passer tout autre chose que si je ne le dis pas. Et ça ne dépend que de moi.
Bref, je lui dis que j’ai ramassé son linge et que c’est un peu compliqué pour moi quand je le ramasse et qu’il ne semble pas le remarquer, ni l’apprécier.
Il sourit, et me dit qu’effectivement, quand parfois il constate que son linge n’est plus là, il se dit qu’il a peut-être oublié qu’il l’avait mis au sale le matin.
Et que du coup, il prend conscience que c’est moi qui l’ai fait, et qu’il m’en remercie. Je me suis sentie heureuse d’avoir fait cela pour lui et qu’il l’ait apprécié. Nous nous sommes souri. C’était un doux moment.
Alors j’ai pris conscience de quelque chose de très important : c’est que le fait de dire merci est plus qu’un signe de reconnaissance et de gratitude pour un service rendu ; le fait de dire merci ouvre un espace de joie partagée autour de cette action.
Je l’ai fait, il l’a vu, il l’a apprécié car il s’est senti reconnu, il me le dit, je l’entends, je me sens reconnue à mon tour. C’est une synergie de reconnaissance de l’existence de chacun, qui renforce l’estime de soi et le plaisir de vivre.
En sollicitant ce « merci », c’était cet espace de joie commune et de plaisir de partager la vie que j’espérais. Et c’est cela qui est advenu, du simple fait d’avoir osé dire cette phrase qui a changé le cours des choses, et qu’elle ait été accueillie.