Osons pleurer, même si ça ne changera rien
Une main d’acier lui étreint parfois la poitrine et appuie sur son souffle comme pour l’isoler.
Ses poumons deviennent lourds et l’air pour circuler doit trouver une énergie supplémentaire, qu’elle n’a pas toujours.
Elle ne comprend pas pourquoi, cette densité qui vient plaquer l’air au fond d’elle.
Elle voudrait réclamer l’oxygène, imposer son droit à respirer légèrement.
Elle voudrait lutter et vaincre, passer en force ou en douceur, mais en tout cas sans avoir à s’arrêter ou à prêter l’oreille.
Et puis, quand même, il a bien fallu finir par écouter ce qui étouffait au dedans.
Elle s’attendait au feu de la colère ou à l’agonie de l’angoisse : le métal qui pesait était si dur et si lourd ; mais non, elle a entendu des pleurs.
Des pleurs de ras le bol, de j’en ai marre, mais qui n’osent pas se montrer car il n’y a rien à faire, c’est comme ça, et pour l’instant il faut tenir. Mais des pleurs quand même, qui cherchent un secours ou une consolation.
Alors ce matin, après une nuit encore passée sous le joug, elle esquisse quelques mots pour dire, mais à peine, à son compagnon, ce sentiment que ça lui fait trop.
Il entend, il accueille, il écoute, et une larme après l’autre, elle commence à laisser couler, à dissoudre le bloc qu’elle avait cristallisé pour ne pas entendre la plainte.
Elle pleure longtemps, elle sanglote, secoue son en dedans figé, et peu à peu, elle sent que ça s’allège ; le poing s’ouvre et le souffle revient.
Souvent, le désespoir à coup d’à quoi bon, nous empêche d’exprimer ce qui nous empoigne ou nous envenime.
Laissons-le pourtant s’écouler et avec, nos énergies emmurées.
Pleurons nos larmes, nos tristesses, nos découragements et nos peurs.
Pleurons ce qui nous fige et nous abat.
Pleurons car parfois c’est juste ce qu’il nous reste à faire. Alors faisons-le, et bien.
Pleurons pour étancher notre soif de dire. Pour ne pas laisser le silence nous manger.
Pleurons pour ouvrir une brèche sur la vie qui nous entoure et pour laisser sortir celle qui souffre en nous.
Pleurons pour les mêler toutes deux, ces deux vies, et pour dissoudre notre petite vie dans la grande.
Pleurons, pour confier à la vie nos malheurs et la laisser en prendre soin, puisque pour nous c’est trop dur.
Pleurons pour l’avertir que nous n’en pouvons plus.
Pleurons pour y croire encore ou plus du tout, mais qu’importe.
Pleurons pour laver notre peine et dissoudre la glace qui nous tient en dedans.
Mettons des mots de larmes puisque les autres ne nous viennent plus. Une lettre après l’autre, l’alphabet sur nos joues raconte une histoire si personnelle qu’un autre peut-être lira.
Pleurons ces pages qui nous étreignent.
Pleurons encore et sans relâche.
Pleurons…
Nous avons tant de douceur à y gagner.