Ma playlist s’appelle Ce que j’aime

Mon nouveau portable est équipé de cette fonction magique permettant d’identifier un morceau musical en train d’être diffusé. On active l’appli, on dirige le téléphone vers la source audio, même éloignée, même dans un cinéma où l’on aime la bande originale, et hop ! le morceau s’affiche sur l’écran et l’on peut alors l’enregistrer dans sa bibliothèque musicale.
Depuis quelques mois, j’ai donc accumulé, comme des papillons dans un filet, une série de titres divers et variés, captés au gré de mes découvertes.
Ce matin, j’ai décidé de les regrouper dans une playlist pour pouvoir les écouter ensemble sans avoir à les rechercher dans l’éparpillement où ils se trouvaient.

J’ai appelé ma playlist « Ce que j’aime ».

En y repensant dans l’après-midi, j’ai été émue. Emue de voir le chemin parcouru.
J’ai passé tant d’années à ne pas savoir ce que j’aimais ; à me référer à ce qui plaisait aux autres, à ne pas faire confiance à ce qui me faisait tressaillir ou m’émouvait.
Je ne savais pas suivre le fil ténu de mon désir, l’écouter, l’entendre même.

L’été de mon effondrement, j’ai passé un mois à me replonger dans la mémoire émotionnelle de mon enfance. J’ai écrit des pages de « Je me souviens », en m’efforçant de n’y noter que les souvenirs chargés d’affects, qu’ils soient positifs ou négatifs.
A émergé alors une myriade de petites traces laissées en moi par des événements de diverses importances.
J’ai été émue de m’apercevoir combien j’avais été vivante durant mon enfance, combien j’avais ressenti, sans bien savoir quoi faire de ces indications du corps, ces bien-êtres ou mal-êtres induits par le parcours de ma vie.
Je n’avais pas appris à me fier à ce grand langage de l’émotion, de l’intuition, du désir, du penchant, de l’attirance, tout ce vocabulaire sans mots qui parlait de mon identité, de l’unicité de ma personne.

J’ai parcouru ce chemin d’apprentissage de cette nouvelle langue, et aujourd’hui je m’entends et je me comprends bien mieux. Je sais dire ce que j’aime, ce qui m’attire et ce qui ne me plaît pas.
Je sais écouter le son ténu de mon coeur qui s’ouvre ou se retire. Je prends tout cela au sérieux et me suis promis de ne plus jamais moquer ou juger ces appels parfois presque silencieux mais qui proviennent de ma part la plus intime.

Alors, que j’aie décidé de nommer ma playlist « Ce que j’aime » m’émeut car c’est au fond le symbole de la victoire que j’ai remportée sur l’étouffement du vivant en moi.