Il y a quelques années, j’ai passé une colposcopie.
J’avais décidé que je ne voulais pas être anesthésiée pour deux raisons.
D’abord par peur : je crains les anesthésies ; sans doute un vieux souvenir d’enfance mal réparé.
Et ensuite et surtout par curiosité. J’avais envie de voir ce que c’était, comment ça se passe. Je savais que mes amies d’Angleterre ne sont pas endormies, alors pourquoi pas moi ?
J’en ai parlé au médecin gastro entérologue qui a reçu cette demande très simplement et ouvertement.
« Bien sûr ! C’est possible. Ça ne fait qu’une vingtaine d’années que l’on pratique ce geste sous anesthésie et pour une raison simple : cela permet au médecin d’aller plus vite ; vingt minutes contre cinquante si vous êtes réveillée. »
Je me suis sentie entendue, comprise, et surtout, pas jugée sur ma peur.
Il m’a dit qu’il prendrait le temps. J’ai trouvé bon de sentir qu’un praticien se rende disponible pour accueillir mes souhaits et mes limites.
Me voici donc dans le bloc opératoire, en compagnie de cet homme et d’un bel infirmier.
J’ai vécu ce moment pleinement, me laissant sentir ce qui se passait dans mon corps et mes émotions, demandant au médecin de me montrer ce qu’il voyait à l’écran. J’ai ainsi pu suivre l’évolution de tout l’examen. J’ai été émerveillée par la technique déployée, les moyens que les scientifiques mettent en oeuvre pour protéger la vie.
J’ai été touchée par l’attention de ces soignants à mon ressenti, ma douleur. Ils ont ajusté leurs gestes au fur et à mesure en fonction de ce que je leur exprimais. Je me suis sentie libre et joyeuse d’être présente.
Ensuite, après un bref retour à ma chambre, je me suis apprêtée à quitter la clinique.
En passant par le bureau des infirmières, voyant que je n’avais pas de cathéter à ôter, elles se sont étonnées Vous n’avez pas eu d’anesthésie pour votre colposcopie ? Lorsque je leur ai répondu, elles se sont toutes les trois rapprochées en me questionnant
« Alors, c’est comment ? Ça fait mal ? On sent quoi ? » Et de me dire combien elles préfèrent être endormies pour ne pas sentir, que ça leur ferait trop peur.
Tout en leur répondant, je m’étonnais : moi qui pensais que j’étais trouillarde de refuser d’être endormie, en fait, dans leurs yeux, je passais pour la courageuse.
J’ai alors compris quelque chose d’important : nous avons chacun nos peurs et nos vaillances. Et derrière nos peurs, des ressources associées.
Pour moi, derrière ma peur de l’anesthésie, ma curiosité immense de découvrir, explorer, connaître.
Pour elles, derrière leur peur de sentir, leur lâcher prise et leur confiance.
Je me suis dit une nouvelle fois que le plus grand courage finalement est de parvenir à être soi, pleinement et dans les moindres recoins de notre être en vie, avec nos doutes, nos failles et notre si belle façon d’exister dès lors que nous nous accueillons nous-mêmes en vérité.