Chaque matin, je prends mon petit-déjeuner assise à la table, face à la fenêtre. Dans l’encadrement, je peux voir la mangeoire en osier que nous avons suspendue pour les oiseaux du jardin. Nous y déposons des boules de graisses et de graines qu’ils convoitent.
Aujourd’hui, j’ai observé un ballet entre deux oiseaux, qui m’a donné une leçon.
Une mésange bleue était en train de picorer, tranquille.
Une mésange charbonnière, plus grande, arrive et s’impose, un peu brutalement, à mon sens. Si ça avait été mes enfants, j’aurais dit quelque chose, mais bon, là, j’ai laissé faire, ça ne me regarde pas.
La petite mésange, détrônée, se pose sur une branche de la passiflore qui pend à quelques centimètres de la mangeoire. Elle semble attendre son tour.
La plus grosse arrête de manger, s’approche de la petite et entame des expressions d’intimidation : elle gonfle ses ailes, secoue ses plumes et lui « hurle » dessus.
Elle exagère quand même ! La bleue lui cède gentiment sa place et ça ne lui suffirait pas ? Elle veut tout le territoire. Je suis offusquée, mais, me mettant à la place de la gringalette, je me dis que tant pis, il va bien falloir que je parte. La caïd est trop impressionnante. Je vais m’incliner.
Ca n’est pas du tout ce qui s’est passé. La mésange bleue est restée placidement sur la branchette ; simplement, elle s’est décalée derrière une feuille, comme pour mettre une distance protectrice entre elle et son agresseur.
La mésange charbonnière a renoncé à la faire partir et est retournée à la mangeoire.
C’est le moment qu’a choisi la plus petite pour revenir à son festin. Elle a volé jusqu’aux graines, s’est accrochée sur l’osier et s’est mise à picorer sans faire cas de sa voisine, qui n’a plus dit un mot.
On aurait dit une mésange bleue bouddhiste, centrée sur son axe, posée sur un socle.
Elle m’a appris quelque chose sur moi : lorsque je me sens agressée, j’ai tendance à me replier ou à fuir. En la voyant, j’ai compris que l’on peut simplement rester là, à juste distance pour ne pas recevoir ce qui ne nous nourrit pas. On peut garder son objectif, tranquillement, sans agresser à son tour, mais en sachant s’imposer, avec la force et l’élégance de celle qui sait ce qu’elle désire et qui, sans nier l’autre, occupe la place qui lui convient.