Prendre la décision de partir vivre en Bretagne et de réaliser ainsi un rêve qui nous accompagnait depuis une trentaine d’années, nous a plongés dans un cruel dilemme.
D’un côté, il y avait cet appel en nous et ce sentiment que le temps passe et que c’était maintenant ou jamais, si nous voulions profiter d’un temps où nous étions encore en activité. De l’autre, il y avait cette séparation que nous infligions à ceux que nous aimons et à nos enfants plus particulièrement, puisqu’ils n’envisageaient pas du tout de nous suivre.
En partant, nous savions que nous imposions à ces personnes une décision qui entrainerait de la souffrance chez elles.
Nous avions le choix : partir et occasionner de la souffrance, ou rester, mais dans ce cas, la souffrance aurait été pour nous, car nous sentions profondément que nous étions appelés à vivre cela, maintenant.
Nous sommes en Bretagne depuis un an et demi maintenant, et il peut arriver que l’un ou l’autre de nos enfants nous manifeste que nous leur manquons dans leur environnement.
C’est douloureux pour moi de constater combien notre départ a pu laisser une sorte de vide pour eux.
Mais je dois supporter cela.
Car c’est ainsi et c’est ce que je découvre peu à peu : il est impossible de ne jamais faire de mal à ceux que nous aimons. Vivre, c’est bouger, et bouger, c’est occasionner des mouvements autour de soi, qui auront un impact plus ou moins grand sur ceux qui nous entourent, et parfois un impact souffrant.
Même si nous ne le voulons pas, cela arrive. Nous ne sommes pas partis en Bretagne pour faire du mal à nos proches, mais c’est ce qui est arrivé. Certains ont vraiment souffert de cet état de fait.
Si je prenais la ferme décision de ne jamais occasionner de dommage à autrui, il se pourrait bien que je renonce à certaines choses essentielles pour moi, et alors, ce serait à moi que je causerais de la souffrance.
Alors comment faire ?
Je ne vois qu’une solution qui est de supporter cette réalité : parfois, même sans le vouloir, même en aimant les autres, nous leur faisons mal. Il me faut tenir, contenir en moi cette vérité, cette tournure que la vie peut prendre.
Je dois pouvoir reconnaître la peine ou le vécu de trahison que l’autre ressent de mon fait, en être sincèrement touchée et cependant maintenir mon projet, ma posture, mon rêve en action.
Je dois pouvoir regarder en face mon enfant qui souffre parce que j’ai décidé de partir, et partir quand même pour ne pas me trahir.
Je peux être là pour lui, pour elle, pour l’aider à traverser ce moment, pour entendre sa douleur, sa colère, son incompréhension. Je pense même que c’est mon devoir, pour ce qui concerne nos enfants. Mais si je veux poursuivre ma vie en y accomplissant ce qui me semble fondamental pour mon chemin, alors je devrai faire face parfois aux bouleversements qu’auront occasionnés mes décisions.
Alors oui, décider de ne jamais faire souffrir autrui volontairement et pour toutes les situations où cela arrivera malgré moi, apprendre à supporter cette responsabilité, à la contenir à l’intérieur de soi et à vivre avec.