Accueillir l’émotion de l’autre et la prendre, ça n’est pas la même chose

Il y a quelques jours je tenais dans mes bras notre fille qui pleurait beaucoup, prise qu’elle était dans une émotion forte de peur et de tristesse.

Notre autre fille arrive et contemplant cette scène, me demande : « Comment on fait dans ces cas-là ? »
Je lui réponds : « On écoute, on est là. »

J’ai pris conscience à ce moment là du chemin que j’avais parcouru. Il y a quelques mois, j’aurais essayé de trouver des solutions pour ma fille qui pleurait, j’aurais essayé de la sortir de sa détresse, de l’aider à relativiser pour ne pas qu’elle soit si mal.

Et là, je me sentais tranquille. Je la sentais dans sa souffrance mais c’était supportable pour moi ; j’accueillais ce qui se passait pour elle, mais j’étais confiante, je savais que ça allait passer, que bientôt elle serait dans une autre émotion, dans un autre moment de sa vie.
et que la seule chose à faire dans l’instant, c’était de l’aider à être là, dans ce qu’elle avait à vivre pour traverser cet épisode douloureux.

En racontant cette histoire à une amie, je lui dis que je suis heureuse, après tout ce travail sur moi, d’avoir assez d’espace maintenant en moi pour accueillir l’inconfort de l’autre.

Elle me répond que pour elle, c’est encore trop compliqué de prendre la douleur de ses enfants.

Je me suis alors dit qu’il y a une différence entre accueillir ce qui se passe pour l’autre et le prendre.

C’est comme si, en allant dîner chez des amis, ils ouvraient la porte et nous recevaient en disant : « Nous sommes ravis de vous prendre chez nous ! »
Je crois que je me sentirais bloquée, capturée, et plus du tout libre d’arriver puis repartir.

Finalement, accueillir ce qui se passe pour l’autre, c’est peut être la même chose : le laisser arriver, puis repartir. Ca n’est pas nous, ça n’est pas à nous. Ca ne nous appartient pas et donc nous n’avons peut-être même pas le droit de le prendre.

Mais effectivement, ça requiert de l’espace à l’intérieur, un espace suffisamment tranquille et qui n’a pas peur du bouleversement qui est en train de se dérouler chez l’autre. Un espace d’accueil temporaire pour une émotion qui l’est aussi, car c’est sa vocation.

Accueillir ce qui se passe pour l’autre, c’est lui ouvrir notre porte et lui dire « Bienvenue », le laisser pénétrer dans notre espace d’accueil intérieur, on pourrait dire la pièce de vie, la salle commune, sans pour autant lui donner accès aux pièces intimes. C’est aussi accepter que cette vie n’est pas la nôtre, et qu’elle se déroule ailleurs que dans la nôtre. Nous n’en percevons que l’écho. Cet écho nous touche et parfois nous aimerions l’atténuer, le réconforter. Mais le mieux que nous puissions faire je crois, c’est de prendre ce temps de l’accueillir, de lui offrir un espace et un temps en nous.

Puis un moment plus tard, rouvrir notre porte, le laisser ressortir, en confiance et en liberté et lui dire « Au revoir ».