Elle pleure à l’autre bout du téléphone. Elle pleure car elle est tellement déçue de ne pas y être arrivée. Elle avait tout préparé pour partir faire ce sacré chemin vers St Jacques, mais au dernier moment, elle est bloquée. Elle est là-bas, au point de départ, avec son sac et tout le nécessaire pour faire le périple ; mais elle ne peut pas, c’est au-delà de ses forces, pour l’instant.
Moi qui l’écoute, je me sens désolée pour elle, bien sûr.
Mais ce que je ressens également, c’est de l’admiration, lorsqu’elle me dit en sanglotant qu’elle n’a pas la force.
Je me dis que ça doit être si difficile de renoncer là, maintenant, alors qu’on a dit à tout le monde qu’on partait, qu’on s’est préparé, qu’on y a cru ; si difficile de dire à un autre « Je n’ai pas la force ».
Je le lui dis. Je lui dis qu’il faut de la force pour pouvoir dire qu’on n’a pas la force.
Que c’est un autre courage, mais que c’en est un tout de même.
Le courage d’aller voir en soi, d’entendre la limite qu’on ne pourra pas dépasser, pas cette fois, pas ainsi.
Le courage d’être soi, avec ses failles, ses potentiels, ses rêves dont tous n’entreront pas dans la réalité. Tout dépendra de ce que nous arrivons à mener à bien.
Il nous faudra du courage aussi, pour accepter à la fin de notre vie, d’avoir fait ce que nous pouvions et pas le reste. Et puis de la bienveillance et de la gratitude pour nous remercier d’avoir réalisé tout cela et pour nous en réjouir.
Pour nous aimer d’avoir été cette personne limitée, si limitée, mais si puissante à l’intérieur de ses limites.