J’ai fait l’acquisition de deux bâtons de marche. J’en avais envie et besoin.
Envie pour faciliter mes efforts pendant les randonnées, et besoin car je sens que mes genoux supportent moins bien le poids du corps dans les descentes.
Me voici donc lancée dans une marche de 15 km sur le sentiers des douaniers, en presqu’île de Crozon. Il y a pire endroit pour expérimenter de nouvelles pratiques me direz-vous.
Je sais une chose à propos de l’usage de ces bâtons, c’est que l’on doit avancer celui de droite en même temps que l’on allonge la jambe gauche, et inversement.
C’est le seul élément théorique que je connaisse et je m’y accroche pour commencer ma pratique.
Allons-y ! Jambe droite en avant, bâton gauche aussi ! Dès le deuxième pas, ça dysfonctionne. Je n’arrive pas à coordonner mes gestes. Mes jambes vont plus vite que mes bras. J’ai à peine le temps de lancer mon bâton devant moi que j’ai déjà fait deux pas. J’ai l’impression d’embrouiller mes quatre membres avec ces deux cannes qui n’en font qu’à leur tête.
Je me raisonne, je me discipline. Rien n’y fait.
La tentation est grande d’arrêter là l’expérience. Mais je dois poursuivre car sinon, que ferai-je de ces deux instruments censés m’aider mais simplement encombrants à l’heure qu’il est ?
Je persévère et décide soudain de faire à ma façon.
Au diable la leçon apprise mais pas intégrée !
Je poursuis avec mon rythme de trois pas pour un lancer de bâton. Je n’y vois pas d’intérêt sur le plan physique, mais au moins je ne me torture plus l’esprit avec une contrainte théorique qui ne s’harmonise pas avec mon corps.
Tout en marchant, nous parlons avec Olivier de tout ce temps que nous passons souvent à regarder des tutoriels, des vidéos explicatives, plutôt que de nous lancer dans nos propres expériences, quitte à en baver. C’est souvent là que nous apprenons le mieux, en essayant, en nous trompant, en recommençant, avec patience et persévérance.
Et puis, à un moment, je m’aperçois que ma marche a pris un nouvel élan. Je constate, surprise, que mon corps a compris comment utiliser les bâtons pour amplifier son effort, pour soutenir son poids, pour propulser sa dynamique. Effectivement c’est un geste alterné entre les bras et les jambes, mais les mouvements sont bien plus courts que ce que je pensais au début. Tout est bien plus simple et cohérent.
C’est incroyable ! Je n’ai rien fait de particulier, si ce n’est poursuivre mon chemin en faisant confiance à mon ressenti et en n’écoutant plus la théorie serinée par mon cerveau qui n’y connait rien et qui me répétait à l’envie la seule chose qu’il avait lue.
Mon corps a appris, il a compris avec ses moyens de corps, avec son ressenti, avec ses besoins, avec sa finesse de corps qui connait des choses que mon intelligence cognitive ignore.
J’ai alors pu profiter pleinement de la ressource de mes bâtons de marche. Ils ont pu, comme l’expression va bien, faire corps avec le mien, m’apportant ainsi un plaisir supplémentaire, en ôtant de ma randonnée le suppléments d’efforts qui d’ordinaire la ternit.
Mon corps a pu apprendre par lui-même car je lui ai laissé le temps de le faire.
J’ai été heureuse et fière d’avoir lâché et fait confiance, de m’être fichu la paix et d’avoir écouté mon rythme. J’ai bien plus appris qu’en regardant tous les tuto du monde car j’ai aussi fait la connaissance avec de belles choses à mon sujet.