Affûter mes questions

Il y a quelques mois, j’ai suivi une formation intitulé « Affutage de questions ».
Dina Scherrer, qui l’animait, a ouvert pour moi la porte des Pratiques Narratives.
Les Pratiques Narratives proposent d’accompagner les personnes dans la relation qu’elles entretiennent avec leur histoire et de soigner ce lien, pour qu’elles cessent de se confondre avec leur problème et retrouvent le sentiment d’avoir du pouvoir, de la ressource et de l’espoir.
Dans cet atelier, nous avons passé deux jours à construire des questions puissantes, celles qui apportent de la beauté, de la poésie et de la dignité dans la vie de gens.

De la beauté, de la poésie, de la dignité.

Ces trois mots m’ont émerveillée et stimulée. J’avais soudain l’impression d’entrer dans un cours de langue où l’on apprenait les formules qui me manquent parfois pour atteindre mon but de soignante : aider les personnes à retrouver leur ressources et leur puissance.
De retour chez moi, en me plongeant dans un livre de Dina, voici que je tombe sur une question qu’elle utilise souvent en séance : « Aussi loin que tu te souviennes, quels sont les principaux défis que tu as eu à relever ? »

J’ai bien sûr commencé à chercher les défis de ma vie. J’en ai trouvé beaucoup, dont de nombreux moments d’angoisse, d’anxiété, un effondrement psychique il y a quelques années. Tout en faisant cet état des lieux, je constatais aussi que de chacun de ces moments, j’avais su me relever ; que je m’étais battue, souvent contre moi-même, que j’avais lutté pour ma vie, pour ma survie parfois. J’ai remarqué que j’avais traversé tout cela et que j’en étais sortie aujourd’hui ; que j’avais su demander de l’aide et que j’avais été bien accompagnée, car j’ai le talent de trouver des personnes saines pour me soutenir.
Et alors que je me repassais tout le film de ces périodes de souffrance dont j’étais sortie vivante, et même souvent réparée et enrichie, une phrase a surgi en moi : « Je suis forte ».

C’était la première fois que je posais ce mot sur mon existence et sur ma personne. Mais il était évident soudain que oui, il m’avait fallu être forte pour faire face à tous ces moments, pour y être plongée et ne pas me noyer, pour avoir le courage de mettre des mots, des larmes et du sens.
Pour la première fois et pour toujours je crois, j’ai arrêté de me regarder comme la femme qui a angoissé longtemps, qui a un côté anxieux et qui est fragile à cause de ça.
J’ai pu me dire qu’il y a en moi la force de vivre et de lutter pour sortir des moments de souffrance, la force d’oeuvrer pour façonner une vie qui me ressemble, la force du courage et de l’espoir même lorsque tout semblait impossible.
J’ai soudain été fière de moi.
Cette simple question avait suffi pour stimuler un nouveau regard sur ma vie et faire que je puisse, effectivement, y contempler sa beauté, sa poésie et sa dignité.